L’argument économique contre le partage

Posons comme principe que le partage d’œuvres sur Internet sans but de profit ne doit en aucune manière être restreint. Quelles justifications peuvent amener à le rejeter ?

Il n’y en a qu’une, elle est économique : permettre aux auteurs d’être rémunérés. Effectivement, une offre illimitée, accessible à tous (grâce au partage), et un coût marginal nul impliquent un prix nul. Il faudrait alors restaurer une certaine rareté afin de pouvoir vendre.

Mais par ailleurs, l’objectif de l’économie, c’est de surmonter au mieux la rareté. C’est là que la justification économique devient absurde : il s’agirait de restaurer une certaine rareté dans le but de résoudre un problème économique, alors que le but de l’économie est de résoudre les problèmes que pose la rareté. Ce serait lutter contre l’objectif afin de conserver ce contre quoi on lutte.

En clair, l’économie ne peut pas être une justification en soi, en dernier ressort, car elle ne s’applique qu’à la rareté. Tout ce qui est surabondant, non-rival, devrait être hors-marché. Sinon, il faudrait interdire le soleil.

Bien sûr, je ne dis pas qu’il faut supprimer l’économie ; je dis juste qu’elle ne s’applique qu’aux domaines de rareté. Dans le cas limite où tout serait surabondant, n’appliquer l’économie qu’aux domaines de la rareté conduirait effectivement à la suppression totale de l’économie. Dans ce monde imaginaire, ce serait très logique : si chacun pouvait tout avoir sans effort, pourquoi restreindre l’accès aux biens en le conditionnant à une « rémunération » qui n’aurait alors aucun sens ? Tout le monde y serait perdant.

Toute la difficulté est de vivre dans un monde composé à la fois de rareté et d’abondance. Et beaucoup tentent de restaurer la rareté partout uniquement pour faire fonctionner l’économie. Quel paradoxe !

Solutions

Ce billet a pour unique but de rejeter l’argument économique contre le partage sans but de profit, pas de conclure sur une solution définitive.

Selon moi, les solutions à envisager, quelles qu’elles soient, doivent respecter le principe que nous avons posé.

C’est le cas de la contribution créative (ou licence globale). Mais cette proposition amène quelques critiques (ici et par exemple).

Pour ma part, vous le savez, je suis convaincu que le financement de la création est un cas particulier d’un problème plus général, dont (au moins une partie de) la solution est le dividende universel.

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