Open source, logiciel libre, oublient-ils d’être équitables ?
On reproche parfois aux éditeurs open source des comportements basés uniquement sur la recherche du profit maximum. A l’inverse les projets communautaires ne se soucient pas de cette problématique. Il serait souhaitable de trouver un juste milieu entre ces deux approches qui soit équitable pour les utilisateurs et les développeurs de logiciels libres.
C’est un article lu au détour d’une notice d’identi.ca qui est à l’origine de ce billet.
Manque de discernement
L’open source, porté par les entreprises, est un mouvement qui n’a retenu des principes du logiciel libre que le côté pragmatique : l’ouverture du code.
Editeur de logiciel open source est un métier difficile. Les sources de revenus sont liées à l’activité de service principalement, car les licences utilisées ne permettent pas de “vendre” de droits d’utilisation à leurs clients. Coupé de cette source de revenus, ils en viennent parfois à utiliser des approches plus fermées comme la vente de modules à code fermé.
Ces modules peuvent être périphériques au logiciel ou comme dans le cas présent servent à la mise à jour d’une version à une autre, en l’occurrence celle d’OpenERP. C’est un peu comme s’il fallait payer pour passer d’une version d’Ubuntu à une autre, mais que l’installation reste possible sans frais.
La méthode est un peu choquante, mais après tout s’agissant d’un logiciel à destination principalement d’entreprises, celles-ci n’ont qu’à payer un contrat de support pour en bénéficier. Ce ne serait donc pas vraiment un souci. Tant pis pour les TPE, micro-entreprises et autres auto-entrepreneurs qui l’auraient choisi, s’agissant d’OpenERP ils ne doivent pas être nombreux à l’utiliser.
Je n’ai pas cherché à vérifier si l’histoire contée est véridique. Sur le fond cela n’a pas d’importance. Ce qui a de l’importance, c’est que le demandeur du script de mise à jour était une ONG africaine disposant de probablement peu de moyens financiers. On peut donc regretter l’absence de discernement de l’éditeur entre ces différents types de clients.
Après tout, qu’est-ce qui empêchait OpenERP dans ce cas précis de passer outre les consignes de vente habituelle. On aurait appelé cela “faire preuve de discernement”ou d’une étique certaine. Un discernement qui est en général absent dans les tarifications des éditeurs open source. Pourquoi ne pas vendre ces modules fermés de leur logiciel en fonction de leur client ? De très cher à offert…
La conclusion de l’article met en avant les vertus des logiciels communautaires qui placent tous les utilisateurs sur un même pied d’égalité, car tout est libre d’utilisation pour tout le monde
Les projets communautaires, c’est mieux, mais est-ce bien équitable ?
A l’inverse, les communautés font-elles preuves de discernement en mettant tout le monde sur un même pied d’égalité ? Entreprises, associations, particuliers, le tarif est le même : vous êtes libre d’utiliser. Cette liberté souvent associée à de la gratuité maintient les utilisateurs dans une confusion certaine et les amènent à ne pas vouloir mettre la main à la poche même lorsqu’il s’agit d’entreprises.
Cette liberté offerte à tous sans même un questionnement est-elle saine ? Je serais tenté de répondre que non.
Il serait sain que les utilisateurs soient au moins questionnés sur l’usage qu’ils comptent faire du logiciel et s’il est commercial soit clairement incités à verser une somme au projet. Une approche si elle était systématique aurait au moins valeur d’éducation à défaut de remplir un peu les poches des communautés.
Créations équitables
Lorsque l’on parle de commerce équitable, on s’intéresse à la relation financière entre des producteurs et des consommateurs. On peut établir un parallèle avec le logiciel libre où il n’existe pas de notion de commerce équitable. Chacun fait ce qu’il veut, ce qu’il peut en choisissant le modèle qui lui semble le mieux adaptés et advienne que pourra.
Un logiciel libre équitable serait donc un logiciel sous licence libre auquel on aurait ajouté quelques règles supplémentaires permettant de définir les relations économiques producteurs/utilisateurs. Des devoirs permettant de définir une règle de rémunération des producteurs avec en retour le droit pour les utilisateurs de disposer d’un pouvoir dans les décisions prises par les développeurs.
Ce serait une façon de rétablir un équilibre qui actuellement met en position de force les développeurs face aux utilisateurs. Une façon de retrouver une collaboration profitable aux deux parties dans le respect de certaines règles. Mais je suis en train de réinventer la roue, car une licence existe déjà : la licence IANG. Voici le résumé de celle-ci :
- Vous êtes libre de copier cette création, à condition d’indiquer sur chaque copie les noms des auteurs, et dans le cas où la création a un caractère technique, les informations nécessaires à son analyse, sa reproduction et sa modification.
- Vous êtes libre de modifier cette création, à condition d’indiquer ce qui a été modifié, par qui, à quelle date, et dans le cas où la création a un caractère technique, les informations utilisées pour chaque modification, et à condition de permettre à tous ceux contribuant aux modifications de participer aux décisions créatives.
- Vous êtes libre de distribuer cette création, à condition de le faire selon les termes de la licence IANG, et si vous avez modifié la création, de lui donner un nouveau nom et d’indiquer le nom de la création originale et son distributeur.
- Vous êtes libre de commercialiser cette création, à condition de rendre publique sa comptabilité, et de permettre à tous ceux contribuant aux recettes de participer aux décisions économiques.
Largement inspiré des quatre libertés des logiciels libres, la quatrième règle se rapproche de ce que j’évoquais. La portée de cette licence dépasse le logiciel et s’applique à toute création. Elle ne date pas d’hier, et semble avoir vu le jour en 2004. Pour aller plus loin, je lui consacrerais un article entier plus tard. L’idée était déjà de lancer le débat.
Crédits photo Flickr CC Certains droits réservés par lilivanili
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 12/09/2011. | Lien direct vers cet article
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